LE
PROJET DE MANIFESTE POUR L'AUTOFORMATION
Ce projet de manifeste pour l'Autoformation représente un travail
collectif, porteur d'un projet et d'une position engagée.
- En donnant une
visibilité à la conception collective de l'autoformation, ce projet
de manifeste participe de l'auto-construction continue d'un collectif
et contribue à porter les aspirations d'un mouvement social qui dépasse
les seuls agents éducatifs publics, privés et associatifs. Porté
par les membres du GRAF (groupe de recherche en autoformation en
France), ce projet de manifeste concerne tous ceux qui aspirent à
porter les aspirations à la liberté, la citoyenneté, la
responsabilité et la créativité de toutes les personnes à tous les
âges de la vie.
Ce projet de manifeste s'adresse particulièrement aux :
- personnes qui se
forment elles-mêmes
- formateurs, éducateurs,
enseignants qui développent des démarches d'accompagnement à
l'autoformation
- responsables
politiques et gestionnaires de la formation
- chercheurs concernés
par la formation
Il est destiné à éclairer le questionnement de chacun dans son champ
et non à fixer des règles.
Ce projet de manifeste constitue un contrat moral que chaque signataire
fait avec lui-même, en dehors de toute contrainte institutionnelle et
juridique.
REPERES POUR L'AUTOFORMATION
- L'autoformation
est un processus autonomisant de mise en forme de soi, centré sur la
personne ou le groupe, étayé sur le collectif. Ce processus conjugue
acquisition de savoirs, construction de sens et transformation de soi.
Il se développe dans l'ensemble des pratiques sociales et la vie dans
son ensemble.
L'autoformation se caractérise par la prise de conscience par la
personne de son pouvoir d'agir et de modifier sa relation avec
l'environnement. Cette prise de conscience articule la vie et la
connaissance et relie les dimensions didactiques, praxéologiques et
existentielles.
- L'autoformation,
une prise de pouvoir personnel ou collectif sur sa formation,
un processus d'émancipation critique
L'autoformation opère dans la marge plutôt que dans la norme sociale
et culturelle. Elle est du côté du changement social et culturel plutôt
que de sa reproduction. Elle est instituante. L'autoformation s'affirme
dans la résistance, dans le " non " aux différentes
formes de conformisme. Elle milite en faveur du développement de toutes
les formes d'autonomisation sociale, culturelle, économique, pédagogique .
Au plan personnel, l'autoformation est l'action de la personne sur sa
formation. Elle peut être comprise comme l'appropriation de sa démarche
d'éducation et de réalisation de soi en relation avec les autres :
par et pour la personne, mais en relation avec d'autres. L'autoformation
n'est donc ni l'isolement, ni l'individualisme.
- L'autoformation
suppose l'acceptation de l'inachèvement
L'autoformation implique pour le sujet l'acceptation de son " inachèvement ",
l'acceptation de l'incertitude, du doute et de l'altérité. Le manque
d'altérité est toujours une menace pesant sur l'autoformation.
L'autoformation ne signifie pas isolement, mais représente le résultat
d'un métissage d'auto, d'hétéro et d'écoformation.
- Une autonomie qui
se joue dans l'interdépendance.
L'autoformation est action d'un sujet sur lui-même et sur ce qui le détermine :
l'autoformation n'est pas l'indépendance, mais une autonomisation qui se
nourrit de ses dépendances par prise de conscience et rétroaction sur
les processus qui l'ont fait émerger.
- L'autoformation
prend en compte la personne dans sa relation au monde
L'autoformation s'appuie sur une conception de la personne, qui, outre
sa dimension subjective, se constitue dans ses rapports aux autres, aux
choses, au monde. Par la prise de pouvoir et de conscience sur sa
formation, l'autoformation articule vie et connaissance.
- L'autoformation,
un processus de construction de sens
Le sens est compris là dans sa triple dimension de direction, de
signification et de sensible.
L'autoformation est une quête de sens, non pas d'un sens pré-existant,
mais d'un sens à construire par chacun. Cette construction de sens
s'ouvre sur le dialogue et la confrontation à d'autres cadres de référence,
producteurs de sens.
Cette construction par la personne elle-même implique une élucidation
des significations et une explicitation des savoirs implicites dont elle
est porteuse : ce travail s'effectue par un retour réflexif et une création
anticipatrice.
- Une démarche de
recherche-action-formation en autoformation
La recherche en autoformation est en quête de modèles et d'approches
cohérentes avec l'objet et les principes, que ce projet de manifeste
essaie de caractériser : elle ne peut " oublier "
son articulation permanente avec l'action et la formation. Elle se donne
les moyens de prendre en compte les personnes concernées en tant que
co-producteurs des recherches effectuées.
QUESTIONNEMENT DES PRATIQUES ET AUTOFORMATION
Les pratiques d'autoformation ne sauraient être réduites aux formes
domestiquées des institutions éducatives : elles investissent des
espaces-temps multiples, des plus intimes aux plus socialisées, des plus
individuels aux plus collectifs.
Ainsi, par exemple, ces espaces-temps d'autoformation sont présents
dans la vie quotidienne, le temps libre, la vie affective et amoureuse,
les réseaux de coopération et les organisations apprenantes, l'action
culturelle…
- L'autoformation
s'enracine dans une démarche réflexive
L'autoformation investit ces espaces temps dans et par la recherche,
l'action et la formation : ces trois dimensions sont pour nous
indissociables. Elles participent chacune à une démarche réflexive inhérente
à l'autoformation.
- L'autoformation
mobilise une éthique qui s'incarne dans des pratiques
L'éthique est liée aux pratiques concrètes d'autoformation,
d'accompagnement à l'autoformation et de recherche : elle s'incarne
dans une pratique, une méthodologie et une épistémologie.
Ces pratiques sont porteuses des convictions suivantes :
- Toute personne est
porteuse de savoir
- Les personnes sont
porteuses de capacités à s'autodiriger, qu'il convient de respecter
et d'accompagner
- Il convient de
privilégier l'engagement des acteurs sur les règles
institutionnelles
- L'exploration de
l'autoformation passe par la pluralité des positionnements théoriques
et pratiques
- Il convient
d'exercer un regard critique et responsable vis-à-vis des conséquences
possibles de l'autoformation, au plan individuel, social et politique
Dans un contexte chargé d'enjeux multiples, le terme d'autoformation
revêt des acceptions multiples et ambiguës. Il est utilisé à des fins
très diverses. Ce projet de manifeste a pour but de ne pas réduire
l'autoformation à une visée instrumentale, définie en dehors des
personnes concernées, au service d'enjeux politiques, sociaux, éducatifs
ambigus.
L'autoformation a une visée émancipatrice inscrite dans l'histoire de
l'éducation populaire, mais aussi dans l'histoire de la formation
initiale (école nouvelle), de la formation professionnelle et de l'éducation
permanente.
Au moment où les Pouvoirs publics et les entreprises sont tentées de
se décharger de leurs responsabilités dans les domaines de la formation
professionnelle et de la mobilité sociale pour la renvoyer aux seuls
individus, au moment où les technologies multiplient les accès aux
savoirs, l'autoformation risque de creuser l'écart : elle favoriserait
les personnes dotées de ressources cognitives, méthodologiques, financières
et sociales au détriment de celles qui en manquent. Elle serait alors le
vecteur d'une société à la fois qualifiante et disqualifiante, en
renforçant les processus contraires d'inclusion et d'exclusion.
QUELLES FORMES D'ACCOMPAGNEMENT A L'AUTOFORMATION
L'autoformation investit aujourd'hui le champ des institutions éducatives
et de formation à travers des dispositifs dits " d'aide à
l'autoformation ". Dans les institutions éducatives,
l'accompagnement de l'autoformation implique l'ouverture des champs
d'apprentissage. Dans la formation continue et l'enseignement supérieur,
l'accompagnement de l'autoformation encourage l'appropriation de la
culture et du savoir sous toutes ses formes.
- L'accompagnement
de l'autoformation ne s'accommode pas d'une autonomie illusoire
L'autoformation n'est pas la gestion par l'individu d'un programme ou
d'objectifs déterminés par les organismes de formation ou de travail, ce
n'est pas seulement travailler seul sur des documents pédagogiques, ce
n'est pas le simple usage des médias en situation d'enseignement ou
d'apprentissage.
- Favoriser la
mobilisation du pouvoir de l'apprenant
L'autoformation suppose le développement de pratiques d'accompagnement
plurielles, mais dont la problématique d'action est centrée sur le développement
du pouvoir de l'apprenant sur sa propre formation.
Cette mobilisation peut s'incarner par :
- La présence de la
dimension du désir et du plaisir, quelles que soient les contraintes
- La socialisation et
la reconnaissance
- La production d'un
cadre de référence collectif et la possibilité de différenciation
individuelle
- L'affirmation de soi
et la confrontation à l'altérité
- Accompagner
l'apprenant dans la construction de sa réflexion critique
Accompagner l'autoformation, c'est accompagner la réflexivité du
sujet sur son expérience. Cet accompagnement vise à favoriser
l'articulation de l'expérience et des connaissances, il encourage une
formation permanente qui se vit dans l'alternance de formations expérientielles
non formelles et de situations réflexives.
CE
PROJET DE MANIFESTE EST LE RESULTAT D'UN TRAVAIL COLLECTIF PAR DES MEMBRES
DU GRAF
Vous
pouvez adresser vos remarques à assos@a-graf.org.
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